Charte de 1066

 
A Lille, en 1066, Baudouin V, comte de Flandre, fait une donation aux chanoines de la collégiale Saint-Pierre de Lille, afin qu'ils en tirent leur subsistance et puissent assurer leurs missions d'aumône et d'hospitalité. Ce document est jusqu'à aujourd'hui la première trace écrite de notre ville de Lomme, qui s'appelait alors Villa Ulma, "le domaine des ormes".

"Au nom de la sainte et indivisible Trinité d’un seul vrai Dieu. Comme moi Baudouin, comte marquis de Flandre, procureur et tuteur de Philippe, rex Francorum, et de son royaume, je savais d’après le témoignage des divines écritures que l’héritage de la vocation céleste appartient à ceux que leur bonne volonté incite à l’exercice de l’œuvre divine, j’ai commencé à méditer, par une singulière considération de mon esprit, sur le fait qu’en plus de l’observation des commandements divins, rien ne vaut mieux pour le salut de l’âme et du corps du fidèle de Dieu que d’édifier des églises en l’honneur de Dieu et de ses saints, là où il est le plus raisonnable et licite de le faire. C’est pourquoi, lisant souvent avec les yeux du cœur ce qui est écrit : « il sera beaucoup exigé de celui à qui il a été beaucoup donné », et « celui qui édifie sur cette terre la maison de Dieu assure sa propre maison dans le ciel », me conformant en outre au conseil digne de foi et salutaire de mon épouse Adèle et de mon fils Baudouin, j’ai construit depuis ses fondations une basilique en l’honneur de saint Pierre prince des apôtres ; j’y ai institué une congrégation de chanoines, qui devra prier jour et nuit pour attirer la clémence de Dieu sur mon âme, celle de mes prédécesseurs, de ma femme, de mes fils et de tous les fidèles de Dieu ; et pour subvenir à leurs besoins, je leur ai donné de mes propres possessions les biens ci-dessous énumérés, libres de toute contrainte et francs de toute domination et du pouvoir de quiconque, excepté de celui que le prévôt et les chanoines de la dite église, fondée dans le lieu que nos aïeux appelaient Isla, auront élu par leur commune volonté, et à qui ils auront confié la direction des dits biens aussi et pas plus longtemps qu’il leur plaira.
Dans le territorium de Lille, dans la villa appelée Ulma (Lomme), VIII manses de terre ; dans la villa de Fredlenchehem (Frelinghien), III manses et VI bonniers ; à Wascemin (Wachemy, écart de la commune de Chemy) III manses et IV bonniers, ; à Lechin (Liéchin, dans la commune de Houplin-Ancoisne), III manses et IV bonniers ; à Schelmes (Esquermes), II manses et VII bonniers ; à Anetieres juxta Pietre (Ennetières-en-Weppes), un manse ; à Marham (La Marre, ancienne seigneurie située d’après un ancien terrier de Saint-Pierre de Lille quelque part dans le Baroeul, du côté du lieu-dit de la Pilaterie, à Mons-en-Baroeul), XVI bonniers et trois parties d’un bonnier ; sur les bords du fleuve Marcam (la Marque), VII manses et VIII bonniers et trois parties d’un bonnier ; à Formestraus (Fourmestraux, dans la commune de Vendeville), XIIII bonniers ; à Doulesmons (Deûlémont), XV manses ; dans le lieu qu’on appelle Fins(centre paroissial, alors hors tissu urbain, correspondant à l’actuelle église de Saint-Maurice de Lille intra-muros), II manses et X bonniers ; à Flez (Flers), I manse ; à Fins, un autel en l’honneur de Saint-Maurice, où l’évêque Baudouin (évêque de Noyon et de Tournai de 1044 à 1068) a concédé que deux personnes seraient installées par l’élection des chanoines, et où, quand la seconde viendrait à mourir, l’évêque ou ses successeurs ne pourraient exiger plus de dix livres à l’occasion de la réinstallation de deux personnes, et qu’entre eux il en soit ainsi pour toujours. A Wasemias (Wazemmes), le bodium de l’église ; à Asnapiam (Annappes), de même le bodium de l’église ; à Batcedam (La Bassée), une dîme ; dans le suburbium de ce castrum, c’est-à-dire de Lille, un courtil pour chaque chanoine ; et à l’intérieur du castrum, toute la terre adjacente à l’église, destinée aux dépendances et aux maisons des clercs, dont la limite (ouest) est la voie qui va de la porte nord jusqu’à l’extrémité du cimetière qui se trouve au sud, et, à l’est, le mur qui longe l’eau et qui rejoint en s’incurvant la dite porte.
Dans le territorium de Courtrai, à Moskeron (Mouscron), V manses ; à Godelinchehem (Gullegem, dans la banlieue nord-ouest de Courtrai), le bodium de l’église et I manse de terre ; à Isenchehem (Izegem, au sud-est de Roeselare), VI manses et VI bonniers.
Dans le territorium de Saint-Omer, à Flenecam (Fléchin), I dîme.
Dans le territorium de Furnes, dans la villa d’Elverzenges (Elverdinge, au nord-ouest d’Ypres), I dîme ; à Flambertenges (Vlamertinge, entre Ypres et Poperinghe), de même une dîme.
Dans le territorium d’Ypres, dans la villa de Kemble (Kemmel), V manses de terre ; dans la villa de Marcam (Langemark, au nord/nord-est d’Ypres, V manses et 3 parties de bonnier.
Dans le territorium de Bruges, dans la villa de Rollers (Roeselare), la moitié du bodium de l’église et 2 parties de la dîme de mes propres cultures ; dans la paroisse de la villa qu’on appelle Esnes (Esen, à l’est de Dixmuide), dans le lieu à moutons appelé Bircla, III bergeries, la troisième partie d’une quatrième, plus XX moutons avec la terre qui leur est nécessaire.
A ceux qui chaque jour célèbreront la messe pour le salut des défunts, XIIII deniers par semaine à prendre sur la monnaie de Lille, VIII pour le prêtre, IIII pour le diacre, II pour le sous-diacre. Au chantre XX sous à prendre sur la même monnaie, la moitié à la fête de la dédicace de la dite église, l’autre moitié à la fête de la Purification de la Vierge.
Dans le lieu susdit qu’on appelle Bircla (Berkel), II parties d’une bergerie ; à Everlingahem (Verlinghem), le bodium après la mort de Rainier (qui en est l’actuel bénéficiaire).
En outre j’ai attribué au prévôt du dit lieu les biens ci-dessous mentionnés : à Hovesk (Huvet, écart de la commune de Fretin), IIII manses ; à Incesbeeke (Escobecques), II manses ; à Bazerol et Sarz et Croiz (dans le Baroeul, au Sart et à Croix), III manses. Dans le territorium d’Ypres, à Widegaz (Wijschate, à 8 km au sud d’Ypres), V manses. Dans le royaume de Lothaire, près d’Aquas Granni (Aix-la-Chapelle), dans le lieu qu’on appelle Vals (Vaals, dans le Limbourg néerlandais), VII manses. Dans la villa citée qui s’appelle Moskeron (Mouscron), II manses à l’église en dotalicium ; dans la paroisse d’Alfrenchehem (Alveringhem, au sud de Furnes), une bergerie ; dans le forum de Lille, l’autel de saint Etienne avec le bodium ; dans son suburbium, un courtil et un moulin avec son courtil."
 
Nul doute qu’au moment de la rédaction de l’acte, le chapitre était en place depuis plusieurs années : une notice (connue par sa copie dans le Decanus du XIII° siècle), établissant la liste des « frères » qui constituèrent la première génération des membres du chapitre, précise que l’église et la communauté de chanoines avaient été instituées en 1055, et que l’église avait été dédicacée par l’évêque Baudouin de Tournai, ordinaire du lieu assisté de 4 autres évêques, dès 1065.

(traduction et commentaires Stéphane Lebecq, professeur d'histoire médiévale à l'université de Lille III)

 




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